Nous
on va là-bas l'hiver, un froid humide, on se pèle de froid, en plus ma
femme elle n'aime pas le chauffage central : elle veut garder le
coté rustique.
On a une cuisinière à bois dans la cuisine.
C'est vrai
que la cuisinière à bois c'est long à chauffer, mais quand ça chauffe,
putain ça chauffe !
Il fait 40° dans la cuisine.
C'est bien
simple, on est tous obligés de manger en slip.
Quand on a des invités
ça leur fait drôle.
On leur dit mettez vous à l'aise, alors au début
non, non, puis après….
40 degrés dans la cuisine et -12 dans le
salon.
Pour aller dans le salon on met l'anorak, on a l'habitude on met
directement l'anorak sur le slip.
De plus, plus tu montes dans les
étages, plus tu te rapproches du cercle polaire.
En plus, on n'est pas
arrivé là-bas depuis 5 minutes, qu'à chaque fois ma femme me dit, va
vite chercher des oeufs frais chez le père Duchenne.
Le père Duchenne
c'est le paysan d'à coté, notre voisin.
Ça ne fait donc pas 5 minutes
qu'on est arrivé que je me retrouve tout seul, dans le noir, sous la
pluie, dans la boue avec mes petits mocassins, traversant la forêt
direction la maison du père Duchenne et à un moment donné, je m'arrête,
parce que j'ai peur.
Il y a deux choses qui me font peur quand je
marche dans le noir :
- Premièrement, c'est marcher sur un râteau.
Ah si, ça fait mal.
- La deuxième chose qui m'angoisse, c'est le chien du
père Duchenne.
Un berger allemand, de l'Est, avec un sens de l'humour
très approximatif.
« Grrr »
Et là je ne bouge plus et petit à
petit je m'enfonce dans la boue, à un moment donné, j'en ai plus haut
que les chevilles, à tel point qu'à chaque fois je me dis, c'est pas
possible je dois être debout dans la gamelle du chien.
« Grrr »
« Il y a quelqu'un ? »
« Grrr »
« Comment il s'appelle déjà ce
chien ? »
« Grrr »
« Rex ? »
« Whaaa, Whaaa, grrr »
« Hans ? »
« Whaaa, Whaaa, grrr »
« Günter ? »
« Whaaa, Whaaa, grrr »
« Michel ? »
« Ouh, Ouh, Ouh »
Michel ! Comment j'ai pu
oublier !
Et là Michel il me reconnaît, il me saute dessus avec
ces quatre-vingt dix kilos, pour me souhaiter la bienvenue, il commence
à me labourer le costard avec les pattes de devant, il me lèche le
visage.
Ah ! Oui, refais-moi le brushing !
En plus il pue ce
chien ! Ça fait trois semaines qu'il dort dehors sous la pluie.
Il
pue ! Une espèce d'odeur entre le munster, la vache et le prisonnier.
« Il est là ton papa? »
« Ouh, Ouh, Ouh »
« Très bien »
(il frappe à la porte) Toc toc
toc ! « Qui c'est-y qu'est là? »
« C'est
votre voisin, le parisien ! »
« C'est pas possible,
c'est pas encore le week-end ! »
« On fait le pont
monsieur Duchenne »
« Germaine passe-moi le fusil ! »
« Mais c'est moi je vous dis ! »
« Oh nom de
Dieu ! Je ne vous avais pas reconnu.
Vous venez chercher vos
oeufs? »
« Eh oui, comme d'habitude ! »
« Germaine va chercher des oeufs pour le parigot ! Bon vous
allez bien boire un petit coup avec moi en attendant »
« Non
merci, je suis à jeun et j'ai une espèce de bronchite »
«
Mais c'est bon la gnole pour la bronchite, nom de Dieu ! ».
Et là, tu te retrouves avec un verre à moutarde, rempli à ras bord,
d'un alcool maison d'environ 400 degrés !
« Santé le
parisien ! »
« Santé monsieur Duchenne »
(il le boit)
« Whaou, ça fait pas tomber les dents? »
« Allez
cul sec »
« Oh non ! ».
Et là, quand je sors de
chez lui, la boue me fait déjà nettement moins peur (complètement ivre,
se pren le râteau)
« Mais rangez votre râteau merde ! »
« Grr »
« Ah tu tombes bien Michel, est-ce que je peux boire un peu d'eau
dans ta gamelle ? Ah ! Merci Michel.
Chérie c'est
moi ! »
« Passe-moi les oeufs »
« Oh putain je
les ai oubliés ! Euh y en avait plus ! »
« C'est
pas grave va vite dans le potager, on va faire une bonne soupe de
légumes »
« D'accord ».
Et alors là, je me retrouve à 11
heures du soir, dans le potager, ivre mort, avec ma lampe de poche :
« Sortez les carottes, sortez les mains en l'air, vous êtes
cernées les carottes »
« Bah alors qu'est ce que vous foutez
dans mon potager ? »
« Je me promène ! »
« Vous voulez que je vous raccompagne ? »
« Non
j'adore marcher à 4 pattes dans la boue »
« Grr »
« Ça tombe bien que je te rencontre mon petit Michel, est ce que
je peux te poser une question ?
Exceptionnellement ce soir est-ce
que je peux dormir chez toi ? »
« Ouh ! »
« Ah t'es un pote, je peux rentrer dans ta niche ? A quelle
heure le réveil ? »
« Ouh ! »
« Ah c'est
tôt ! Bonne nuit mon petit Michel à demain. »