Ne dit-on pas : "des objets inanimés" ?
Ne dit-on pas : "Il y a des objets non identifiés" ? ... donc il y a des objets identifiés.
Et il y a même des gens qui s'identifient aux objets.
Je peux vous en parlez sévèrement parce qu'il m'est arrivé une aventure assez cocasse.
Figurez vous, qu'une nuit comme ça... je ne dormais pas là.
J'attendais un coup de fil de l'objet de mes désirs qui refusait obstinément de devenir ma chose.
Elle s'était entichée d'un autre objet : une armoire à glace !
Bref, je ne dormais pas. Et tout d'un coup j'entends des bruits curieux, c'était...
c'était les pieds de la table qui craquaient.
Entre parenthèses, c'est une table qui m'avez été offerte par l'objet de mes désirs, celle qui refusait obstinément de devenir ma chose.
C'est pour vous dire qu'il y a une relation entre la chose et l'objet.
Bref, les pieds de cette table craquaient.
J'avais beau me dire que c'était le bois qui travaillait, tout de même, à 2 heures du matin, c'est pas une heure pour travailler le bois !
Et la question s'est posée à mon esprit fulgurante : - "Objet inanimé avez-vous donc une âme ?"
Ce fameux ver de Lamartine que chacun connaît :
"Objets inanimés avez-vous donc une âme
qui s'attachent à notre âme et la force d'aimer " ?
Ce sont des vers de douze pieds.
Je les ai comptés.
Et je me suis dit que pour répondre honnêtement à la question : "Objet inanimé avez-vous donc une âme ? "
le seul moyen était de devenir objet moi-même.
Avec le dédoublement, c'est possible...
Et c'est ce que j'ai fait. je suis devenu un peigne.
- Pourquoi un peigne ? .... parce que c'est la première chose qui me soit passée par la tête.
- Oooh !!! Pourquoi pas ?!...
Alors donc une nuit, je retirais de ma poitrine une côte ... une côte première.
Écoutez, à ceux qui trouverait ce récit extravagant, je répondrais que des cotes retirées, on en a vu d'autres....
Il y a eu des précédents.
Mais c'est tout de même a partir de la cote d'Adam que Dieu créa la femme.
Et bien moi c'est à partir d'une de mes cote que j'ai créé un peigne, c'est aussi simple que ça !
C'est difficile à admettre, je le sais... Évidemment, moi même, moi même à mon réveil quand je me suis vu
Moi homme bien en chair, n'est-ce-pas ? ... à côté de moi, peigne tout en os...
Ah j'ai douté ! j'ai douté !
Mais j'ai même eu recours à la radioscopie.
Je suis allez voir Chancelle.
Tout de suite, il m'a dit
: - Mais il vous manque une cote, Devos (de veau) !
parce qu'Il est intelligent... Il est intelligent
Ben il m'a dit : - Vous avez eu un accident ?
Je dis : - Non, j'ai accès des sens.
Alors en sortant de la radioscopie, je suis allez faire mes hommages à celle qui refusait obstinément de devenir ma chose.
Elle me reçoit en peignoir. Elle me dit : - Quel est l'objet de votre visite ?
Je lui dit: - Je suis venu pour la chose. Ahh !
Alors j'ai rectifié: - Je suis venu pour vous, cher objet, de qui j'ai attendu un coup de fil qui n'est pas venu.
Elle m'a dit : - Oui, en ce moment ma ligne est en dérangement. Enfin bon...
Elle me dit: - Excusez moi. je suis toute ébouriffée.
Elle ouvre son sac. Elle dit: - Tiens, j'ai perdu mon peigne.
Vous voyez la relation objet-objet là ?.
Alors je lui passe le mien et tandis qu'elle se coiffait, j'ai éprouve une sensation curieuse.
C'est comme si je lui passais la main dans les cheveux.
Et elle me dit: - Il y a chez vous il y a quelque chose qui m'échappe... et dans le même temps, le peigne tombé.
J'ai simplement ressentis une sensation dans les dents parce que chez le peigne, ce sont toujours les dents qui prennent !
- Vous voyez la relation homme objet là, hein ?.
Alors j'ai ramassé mon peigne. je l'ai glisse dans son sac et je suis rentré chez moi.
Quelle nuit !... Quelle nuit j'ai passé en temps que peigne au fond de ce sac de femme !
Ah Mesdames, l'intérieur de votre sac ! Quel fouillis !!!
Charmant au demeurant ...
- Messieurs, Messieurs, Messieurs, l'intérieur d'un sac de femme :
les parois de satin rose, les petits mouchoirs de dentelles tintées de rouge à lèvres,
le fume-cigarette en or, les cliquetis, les clés, la brosse en soie bleu, les parfums, les arômes...
J'ai vécu au fond de ce sac de femme les heures les plus éblouissantes de mon existence.
- Bref !
Le lendemain , on sonne. C'était l'objet de mes désirs qui me dit :
- Je viens de rapporter le peigne que vous avez oublié dans mon sac.
Elle l'ouvre. - Souvenirs.
Je lui dit : - Mais non, gardez moi encore près de vous. J'étais.. J'étais si bien à l'intérieur de votre sac...
Elle me dit : - Que faisiez vous à l'intérieur de mon sac ?
J'ai dit: - J'attendais de votre part un coup de peigne qui n'est pas venu.
Elle me dit : - Vous vous portez bien, vous, en ce moment ?
Je lui dit : - Oui, je me porte bien . Je lui dit: - Et vous ?
Elle me dit : - Moi, pas mal, sauf que depuis quelque temps, la nuit, j'ai les pieds qui craquent.
J'ai repensé à la table. Alors j'ai dit: - C'est rien, C'est le bois qui travaille !
Qu'est ce que j'avais dit là ? Elle me dit : - Je ne suis pas de bois !
Elle a sorti le peigne de son sac, et "crac !"...
J'ai simplement ressenti une douleur dans la poitrine.
La colère est montée.
J'ai saisis la table par les pieds, je l'ai prise à bras le corps.
Elle m'a dit : - Oh, que c'est beau quand tu me prends !
- Vous voyez la relation femme-objet, là ?
Juste le temps de reposer la table et de recevoir l'objet de mes désirs qui m'est tombé dans les bras inanimé.
Et c'est ainsi qu'elle est devenue ma chose...
Mais les choses n'étant que ce qu'elle sont, n'est ce pas ?
Depuis que mes désirs n'ont plus d'objets, la nuit, lorsque je sens que le moral va craquer, je fais tourner la table et j'interroge :
- "Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?"
Un coup pour oui, deux coups pour non...
Et la réponse vient d'un seul coup, c’est un "oui" FRANC ET MASSIF !
Raymond Devos.