(Musique militaire)
Pardon,
mon colonel, je peux vous voir entre deux manoeuvres ?
C'est très
gentil de votre part.
Oh, excusez moi, je ne vous ai pas dit
bonjour ! Enfin, salut.
Enfin, bonjour...
Non, excusez moi, je ne suis
pas encore complètement familier avec vos, vos rites, mais je sens que
ça commence à venir.
Oui ! Je suis le chasseur de la Guéronière,
j'ai été incorporé, y a quoi, une semaine, et j'avoue qu'il y a deux
trois petites choses dont j'aimerais vous entretenir, c'est pas "grave
grave", hein, mais si vous prenez en compte ce que je vais vous dire, je
pense qu'on peut aller vers un peu plus de confort.
Non, c'est pas un de
vos principaux but, je sais, mais ça peut être un plus pour le moral
des troupes.
Asseyez-vous hein, si vous, si vous voulez, enfin bon, en
tout cas moi je m'assois, parce qu'alors j'ai fais des exercices toute
la journée, je suis éreinté !
Qui s'est occupé du choix de la couleur ? Parce qu'alors, kaki, vous avez pas tapé dans ce qu'y a de plus reluisant.
Alors moi, au début, j'ai pensé à un blanc cassé, mais j'ai peur que ça soit un peu salissant pour les exercices que vous nous faites faire.
Mais, par exemple, un petit rouge bordeaux, qu'est ce que vous en pensez ?
Ah, ah, ah oui, c'est vrai que ça ne va pas faciliter le camouflage.
On peut rester dans le vert, tant pis, ce n'est pas la couleur que je préfère, mais alors un petit vert bouteille, ça sera plus avenant.
Mais écoutez, arrêtez de dire non comme ça, sans réfléchir, chaque fois, parce que moi, pendant mes heures de repos, je fais un peu de couture, je vais vous montrer un modèle, et on décidera après. Non ? Je n'insiste pas alors...
Bon... De toute façon, c'est une première chose.
Ben, déjà les bancs, ça j'imagine que c'est une question de budget, mais sincèrement, des tables de six, on est quoi ?
Dix dessus, même pas par affinité.
Non, j'ai conscience qu'on est pas à l'hôtel, mais regardez bien : on est serrés, donc on mange mal, donc on digère mal.
Oui, et bien résultat on le verra au combat ! On est ballonnés.
Et puis, vous nous habituez à tellement d'espaces pendant ces manoeuvres, toutes ces forêts, tous ces champs de... de... de mines, que nous, on arrive à la cantine, on claustrophobe.
Alors, si vous pouviez en glisser un mot à l'architecte, je pense que ça serait pas du luxe.
Bon, la tenue, la cantine, ça c'est réglé...
En plus, il joue pratiquement toujours la même chose, c'est irritant, faut faire quelque chose, hein !
Ah, c'est du clairon ? C'est possible. Je ne suis pas très mélomane.
Il le fait exprès !? Mais il est fou, ce type ! Ah !!! Oui, mais là non, hein, à ce moment là, six heures, c'est beaucoup trop tôt.
Moi, je vois, si je n'ai pas mes huit heures de sommeil, chuis qu'à cinquante pourcent de mes capacités.
Non, non, vous êtes très agréable pour... pour un militaire, c'est pas la question d'ailleurs, mais je trouve que vous exagérez un peu là, quand même...
Je n'en demandais pas tant... Pendant une semaine, j'aurais rien à faire ?
Vraiment, c'est très aimable de votre part, je ne voudrais pas non plus susciter la jalousie chez mes camarades, ils sont très...
Vous insistez, j'accepte.
Mais, c'est nouveau ces petits lotissements individuels, c'est quoi ? Ah, ça existe depuis toujours, ah...
Mais, comment ça s'appelle ? Le... gnouf !? Ça sonne bien !
Et, ce n'est pas un geste que vous allez regretter ?
Bon, ben, écoutez, je pars de ce pas dans mon... "gnouf".
Passez me voir, à l'occasion !
(c) Pierre Palmade