On me dit que des juifs se sont glisses dans la salle ?
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On me dit que des juifs se sont glisses dans la salle ?
Vous pouvez rester.

N’empêche que... On ne m’ôtera pas de l’idée que, pendant la dernière guerre mondiale, de nombreux juifs ont eux une attitude carrément hostile à l’égard du régime nazi.
Il est vrai que les allemands, de leur côté, cachaient mal une certaine antipathie à l’égard des juifs.
Ce n’était pas une raison pour exacerber cette antipathie en arborant une étoile à sa veste pour bien montrer qu’on n’est pas n’importe qui, qu’on est le peuple élu, et pourquoi j’irais pointer au vélodrome d’hiver, et qu’est-ce que c’est que ce wagon sans banquette, et j’irai aux douches si je veux...
Quelle suffisance !
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Je n’ai personnellement aucune animosité particulière contre ces gens-là.
Bien au contraire.
Je suis fier d’être citoyen de ce beau pays de France où les juifs courent toujours.
Je sais faire la part des choses.
Je me méfie des rumeurs malveillantes.
Quand on me dit que si les juifs allaient en si grand nombre à Auschwitz, c’est parce que c’était gratuit, je pouffe.
En réalité il y à deux sortes de juifs : le juif assimilé et le juif-juif.
Le juif assimilé à perdu son âme en même temps que son identité.
Il bouffe du cochon pas cacher en regardant Holocauste.
Il est infoutu de reconnaître le mur de Berlin du mur des lamentations.
J’en connais. J’en ai plein mes soirées. Ils sont la honte des synagogues.
Ils n’auront même pas la consolation d’être reconnus par les nazis lors de la prochaine.
Le juif-juif, c’est différent.
Le juif-juif se sent plus juif que fourreur.
Il renâcle à l’idée de se mélanger aux gens du peuple non élu. En dehors des heures d’ouverture de son magasin.
Dès son plus jeune âge, il recherche la compagnie des autres juifs.
Ce n’est pas facile.
Depuis que le port de l’étoile est tombé en désuétude, il n’est pas évident de distinguer un enfant juif d’un enfant antisémite.
Naguère encore, les juifs avaient les lobes des oreilles pendants, les doigts et le nez crochus, et la bite à col roulé.
Mais de nos jours ils se font raboter le pif et raccourcir le nom pour passer inaperçus .
Voyez Jean-Marie Le Penovitch.
Ne dirait-on pas un breton ?
Tous les praticiens de la chirurgie esthétique sont juifs.
Tous les médecins sont juifs.
Tous les pharmaciens sont juifs.
Tous les archevêques de Paris sont juifs.
Tous le monde sont juifs.
Pour les médecins, je suis sûr.
Tous les médecins sont juifs.
Enfin, presque tous.
Le docteur Petiot, c’est pas sûr...
Le docteur Petiot, c’est ce médecin parisien qui a démontré en 1944 que les juifs étaient solubles dans l’acide sulfurique.
Petiot n’est pas un médecin juif.
Léon Schwartzenberg, si.
D’ailleurs il n’y a aucun rapport entre Petiot et Schwartzenberg.
Je veux dire que Schwartzenberg, lui, il fait pas exprès de tuer les gens.
A propos, c’est pas vrai que les juifs sont vecteur de maladie :.
Schwartzenberg n’est pas cancérigène, comme disait Reiser, il suffit de ne pas trop s’approcher.
Les juifs-juifs bien sûr ne se marient qu’entre eux.
Je relisait récemment Juifs et Français d’Harris et Sédouy.
Les auteurs demandaient à une grande journaliste très belle et pleine de talent (que ma discrétion m’interdit de nommer ici) si elle aurait épousé Yvan Levaï dans le cas où ce dernier n’eut pas appartenu comme elle à la communauté israélite.
Cette dame a répondu que non, qu’elle n’aurait probablement pas pu tomber amoureuse d’un non-juif.
Je comprends aisément cette attitude qu’on pourrait un peu hâtivement taxer de racisme.
Moi-même, qui suis limousin, j’ai complètement raté mon couple parce que j’ai épousé une non-Limousine. Une Vendéenne.
Les Vendéens ne sont pas des gens comme nous.
Il y a barrage des patois, fort lointains.
Et puis, nos coutumes divergent, et divergent c’est énorme.
Voilà une femme qui mange du poisson le vendredi en tailleur Chanel.
Moi je mange de la viande le mardi en pantalon de coton.
Il n’y a pas de compréhension possible.
Nous avons notre sensibilité limousine.
Nous avons bien sûr notre humour limousin qui n’appartient qu’à nous.
Nous partageons entre nous une certaine angoisse de la porcelaine peu perméable aux chouans.
Il faut avoir souffert à Limoges pour comprendre...

(noir)


(c) Pierre Desproges. Textes de Scène.
(Spectacle joué au Théâtre Grévin en 1986)