Chroniques de la haine ordinaire
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Chroniques extraites d'une émission radiophonique quotidienne de Pierre Desproges sur France Inter à propos d'événements qui ont marqué l'année 1986


  • Bonne année mon cul (3 février 1986) Il était temps que janvier fît place à février.
    Mme Villemin est dans l'impasse, tandis que les graphologues de l'affaire qui ne déssoûlent plus continuent à jouer à Pince-mi et Grégory sont dans un bateau ...
    Le 15, premier coup dur, Balavoine est mort.
    Le 16, deuxième coup dur, Chantal Goya est toujours vivante.
    Le 23, il fait 9 degrés à Massy-Palaiseau.
    On n'avait pas vu ça, un 23 janvier, depuis 1936.
    Et je pose la question : qu'est-ce que ça peut foutre ?
  • Les restaurants du foie (4 février 1986)
    Mais voici qu'une horde électronique de rockers anglophone surgavés d'ice-creams se prend soudain d'émotion au récit pitoyable de la misère éthiopienne, dont les navrantes images prouvent en tout cas qu'on peut garder la ligne loin de Contrexéville.
    Quand on lèvera des impôts pour les mourants du monde et qu'on fera la quête pour préparer les guerres, j'irai chanter avec Renaud.
    En attendant oui, mon pote, j'ai cent balles.
    Et je les garde.
  • La drogue, c'est de la merde (7 février 1986)
    Le film de Périer et Séguéla dure une minute.
    C'est un chef d'oeuvre. Et pourtant, Dieu m'émascule, si possible au laser ça fait moins mal, il s'est trouvé de consternantes badernes pour hurler au scandale.
    Ces censeurs, que seule la crainte du pléonasme m'interdit de qualifier d'imbéciles, se sont montrés choqués par la dureté du film.
  • Dieu n'est pas bien (12 févier 1986)
  • Humilié (14 févier 1986 ) Je venais de déjeuner avec quelques amis chez un suisse riche qui fournit des rations-repas aux companies d'avation du monde entier.
    Un type bien : ne me faites pas dire qu'un con fait des rations helvétiques, je ne calemboure point dans les alpages.
  • Criticon (19 févier 1986 )
    Un critique du film, dont je tairai le nom afin qu'il n'émerge point du légitime anonymat où le maintient son indigence, écrivait dans un hebdomadaire dans lequel, de crainte qu'ils n'y pourrissent, je n'enfermerais pas mes harengs, un critique de film, disait-je, écrivait récemment, à propos, je crois, d'un film de Claude Zidi, deux points ouvrez les guillemets avec des pincettes : C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que de nous faire rire.
    Je dis merci.
    Merci, sinistre ruminant pour l'irréelle perfection de ta bouse, étalée comme un engrais prometteur sur le pré clairsemé de mon inspiration vacillante.
    Qu'on me comprenne.
    Je ne plaide pas pour ma chapelle.
    D'ailleurs, je ne cherche pas à vous faire rire, mais seulement à nourrir ma famille en ébauchant ici, chaque jour, un grand problème d'actualité : ceci est un chronique qui n'a pas d'autre prétention que celle de faire manger.
    Mais qui es-tu, zéroflapi, pour te permettre de croire que l'humoriste est sans orgueil ? Mais elle est immence, mon cher, la prétention de faire rire. Un film, un livre, une pièce, un dessin qui cherche à donner de la joie ( à vendre de la joie, faut pas déconner ), ça se prépare, ça se découpe, ça se polit.
  • Les trois draps du prince d'Orient (20 février 1986 )
  • Joëlle (24 février 1986)
    Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais signaler que moi aussi j'ai vu les Césars : je tenais à en profiter pour remercier France Inter sans qui je serais sur Europe 1.
    Et puis, finalement, je voudrais remercier mon cul d'avoir supporté mes jambes pour venir ici ce soir.
  • La démocratie (3 mars 1986 )
    Un ami royaliste me faisait récemment remarquer que la démocratie était la pire des dictatures parce qu'elle est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité.
    Réfléchissez une seconde : ce n'est pas idiot.
    Pensez-y avant de reprendre inconsidérément la Bastille.
    Vous me direz que celà ne justifie pas qu'on aille dépoussiérer les bâtards d'Orléans ou ramasser les débris de Bourbon pour les poser sur le trône de France avec la couronne au front, le sceptre à la main et la plume où vous voulez, je ne sais pas faire les bouquets.
    Parce que c'est ça aussi la démocratie.
    C'est la victoire de Belmondo sur Fellini.
    C'est l'obligation, pour ceux qui n'aime pas ça, de subir à longueur d'antenne le football et les embrassades poilues de ces cro-magnons décérébrés.
    La démocratie, c'est quand Lubitsch, Mozart, René Char, Reiser ou les batailleurs de chez Polac, ou n'importe quoi d'autre qu'on puisse soupçonner d'intelligence, sont reportés à la minuit pour que la majorité puisse s'émerveiller dès 20 heures 30, en rotant son fromage du soir, sur le spectacle irréel d'un béat trentenaire figé dans un sourire définitif de figue éclatée, et offrant des automobiles clé en main à des pauvresses arthritiques sans défense et dépourvues de permi de conduire.
  • La Cour (4 mars 1986 )
    J'en ai vu, dans le show-bizz, ramper de si peu dignes et de si peu respectables qu'ils laissaient dans leur sillage des rires de complaissance aussi visqueux que les mucosités brillantes qu'on impute aux limaces.
  • Le règne animal (5 mars 1986)
    Mercredi.
    Rude journée.
    Pas d'école.
    Les minuscules sont lâchés.
    Ils font rien qu'à embêter les parents qui essaient de faire des chroniques dans le poste.
    Grâce à son intelligence, l 'homme peut visser des boulons chez Renault jusqu'à soixante ans sans tirer sur la laisse. Il arrive aussi, mais moins souvent, que l'homme utilise son intelligence pour donner à l'humanité la possibilité de se détruire en une seconde. On dit alors que l'homme est supérieurement intelligent.
  • Au voleur (6 mars 1986 )
  • L'humanité (10 mars 1986 )
    J'aime beaucoup l'humanité.
    Je ne parle pas du bulletin de l'amicale de la lutte finale et des casquettes Ricard réunies.
    Je veux dire le genre humain.
    À bien y réfléchir, on peut diviser l'humanité en quatre grandes catégories :
    1. Les AMIS se comptent sur les doigts de la main.
      La carectéristique principale d'un ami est se capacité à vous décevoir.
      Certes, on peut être légèrement déçu par la gauche ou par les performances de l'AS Saint-Étienne, mais la déception profonde, la vraie, celle qui peut vous faire oublier le goût des grands Saint-Émilion, ne peut venir que d'un véritable ami.
    2. Les COPAINS se comptent sur les doigts de la déesse Vishnou qui pouvait faire la vaiselle en applaudissant le crépuscule.
      Il règne entre [les bons copains] une complicité de tireurs de sonnettes qu'entretient parfois l'expérience du frisson.
    3. Les RELATIONS se comptent sur les doigts des choeurs de l'Armée Rouge.
      Quand on n'a pas de glaïeuls, certaines relations peuvent faire très joli dans les soirées mondaines, à condition qu'elles soient célèbres ou stigmatisées de la Légion d'Honneur.
    4. Les GENS qu'on connaît pas, les doigts nous manquent pour les compter.
      D'ailleurs, ils ne comptent pas.
      Il peut bien s'en massacrer, s'en engloutir, s'en génocider des mille et des cents chaque jour, il peut bien s'en tronçonner des wagons entiers, les gens qu'on connaît pas, on s'en fout.
      Le jour de récent tremblement de terre de Mexico, le gamin de mon charcutier s'est coupé un auriculaire en jouant avec la machine à jambon.
      Quand cet estimable commerçant évoque aujourd'hui cette date, que croyez-vous qu'il lui en reste ?
      Était-ce le jour de la mort de milliers de gens inconnus ? Ou bien était-ce le jour du petit doigt ?
  • Les cèdres (12 mars 1986 )
    Nous irons au Mexique pour voir trembler la terre quand les fêlés du ballon s'éjaculent des vestiaires.
    Nous irons à Rio compter les enfants pauvres avant d'aller danser en bermuda résille.
    Nous irons à Jérusalem comme à Berlin nous lamenter au pied du mur.
    Nous irons au fond du désert compter les bouts d'hélicoptère oubliés cet hiver sous la poussière automobile.
    Nous irons au fond des Carpates pour frissonner au loup-garou et voir s'enfiler les blattes dans le cimetière aux hiboux.
    Nous irons à Tananarive, pour voir si ta nana revient.
    Nous irons à Pekin pour bouffer chez Maxim's et pour voir si la Chine commence à s'habiller Cardin.
    Nous irons au bout du monde ...
    Nous n'irons plus au Liban, les cèdres sont coupés, les enfants que voilà ne savent plus chanter.
  • Le fil rouge (14 mars 1986 )
    Le type qui a inventer l'espèce de fil rouge autour des portions de crème de gruyère, on peut pas le tuer, quand même.
    Ce n'est pas possible qu'il l'ait fait exprès.
    Il ne connaît même pas les gens qui aiment manger des portions de crème de gruyère.
    Ne les connaissant pas il n'a aucune raison de leur en vouloir à ce point.
    Peut-être qu'il est dingue, ce type.
    Peut-être qu'il est dingue de père en fils.
    Si ça se trouve, c'est une forme d'aliénation mentale plus ou moins héréditaire.
    Peut-être que son père, c'est le type qui a inventé l'espèce de papier collant eutour des petits-suisses ?
    Peut-être que sa mère c'est la pétasse qui a inventé le chocolat dur qui tient pas autour des esquimaux ?
    Peut-être que son grand-père, c'est le fumier qui a inventé la clef qui casse le bout des petites languettes des couvercles de sardines, en complicité avec le pourri qui met de l'huile jusqu'à ras bord des boîtes ?
  • Misères (21 mars 1986 )
    Quant au mois de mars, je le dis sans aucune arrière-pensée printanière, je ne serais pas autrement surpris d'apprendre qu'il a passé l'hiver pas plus tard qu'aujourd'hui.
  • Les compassés (24 mars 1986 )
    Ils s'ennuyaient avec une intensité inconnue sur l'échelle de regretté Richter, ils s'ennuyaient comme s'ennuie l'eunuque distrait égaré au Ciné-Barbès à la dernière séance de Prends-moi par les deux trous.
    C'est alors qu'ils se sont assis, le président, le premier ministre et les ministres en second et les petits ministres.
    Au début, ils ont continué à échanger des idées d'ordre général.
    On a même ri, quand Édouard Balladur a suggéré qu'on pourrait nationaliser les antiquaires.
    Quoi qu'il en soit, il faut qu'on cohabite, pour reprendre le cri d'amour du crapaud.
  • La baignoire aux oiseaux (26 mars 1986 )
    Il était une fois une dame qui s'appelait [Madeleine] Loisel, et qui aimait les oiseaux.
    Même que c'est vrai et que c'est ma copine, et si nous nous voyons moins, c'est la vie, que voulez-vous, les chemins, parfois, se croisent et, d'autre fois, divergent et divergent, c'est beaucoup pour un seul homme.
    Madeleine n'aimait pas seulement les oiseaux, mais aussi toutes sortes d'animaux à poil, dont certains, fins gourmets ornithophagiques, n'ont jamais caché leur prédilection atavique pour l'hirondelle melba, ou le rouge-gorge tartare servi dans sa plume.
    En plus des chats, elle avait des belettes et des petits lapins.
    Et des chiens louches ou borgnes arrachés au ruisseau, dont l'un, si véritablament épouvantable, qu'on eût dit le fruit des amours contre nature entre une serpillière écorchée et quatre pieds de tabouret de prison.
    Les oiseaux gardaient le bureau de Madeleine, dont ils avaient assuré la décoration des meubles et des sols dans le plus pur style tachiste de la période fiente.
  • Psy (28 mars 1986 )
    On a beau savoir pertinemment que la méthode d'investigation psychomerdique élucubrée par le pauvre Sigmund n'est pas plus une science exacte que la méthode du professeur Comédon pour perdre trente kilos par semaine tout en mangeant du cassoulet, ça ne fait rien, la psychanalyse, c'est comme la gauche ou la jupe à mi cuisse, c'est ca qui fait de bien chez les gens de bon goût.
    [Une de mes amies], mère de famille à ses moments pas perdus pour tout le monde, a connu le malheur d'accoucher d'une espèce de surdoué.
    À cinq ans et demi, ce monstre donnait des signes alarmants d'anormalité.
    Notamment, il préférait Haendel à Chantal Goya, il émettait des réserves sur la politique extérieure du Guatemala et, surtout, il savait lire malgré les techniques de pointe en vigueur à l'Éducation Nationale.
  • Les rigueurs de l'hiver (4 avril 1986 )
    Les orphelins n'imaginent pas l'acharnement à survivre dont sont capables certains octogénaires pour le seul plaisir de raconter leurs congés payés au Tréport en 36 à des gens qui s'en foutent.
    Ça dort à peine trois heures par nuit, ça consomme cent vingt-cinq grammes de mou par jour, ça ne tient pas mieux debout qu'un sénario de Godard, mais ça cause.
    Aux giboulées, l'index hésitant pointé sur le bas-monde, ça cause par dictons : Noël au balcon, Pâques aux tisons ; Noël en Espagne, Pâques aux rabanes ; Froid de novembre, cache ton membre.
    Il va sans dire que ces dictons ne s'appuient sur aucune réalité que la sagesse populaire.
    Et la sagesse populaire, on connaît.
    C'est celle qui a élu Hitler en 33.
  • De cheval (7 avril 1986 )
    Les jockeys ne se doutent pas à quel point les chevaux les détestent.
    - Pour quelle raison, dit [mon cheval], des animaux comme moi, que Dieu a créés pour qu'ils broutent et baisent à l'aise dans les hautes herbes, se prendraient-ils soudain d'affection pour des petits nerveux exaltés qui leur grimpent dessus, les cravachent et leur filent des coups de pied dans le bide dans le seul but d'arriver les premiers au bout d'un chemin sans pâquerettes, pour que les chômeurs puissent claquer leurs assédiques le dimanche ? En réalité (c'est toujours mon cheval qui parle), les jockeys aiment les chevaux comme les charcutiers aiment les cochons.
    Et les chasseurs, mon cher Pierre, qui affirment sans rire qu'ils chassent parce qu'ils aiment la nature.
    - Tu as raison, lui dis-je, mais plus dégénéré que le chasseur, il y a.
    Il y a le pêcheur qui affirme que le chasseur est un tueur sans pitié, alors que lui-même accroche par la bouche et fait souffrir à mort des carpes encore plus innocentes qu'immangeables.
    - Y a des coups de sabots dans le gueule qui se perdent, soupira mon cheval.
  • Non aux jeunes (9 avril 1986 )
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  • L'aquaphile (10 avril 1986)
    J'étais littéralement fou de cette femme.
    Pour elle, pour l'étincelance amusée de ses yeux mouillés d'intelligence aiguë, pour son cul furibond, pour sa culture, pour sa tendresse et pour ses mains, pour cette femme à la quanrantaine émouvante que trois ridules égratignent à peine, trois paillettes autour de ses rires de petite fille encore, pour ce fruit mûr pas encore tombé, pour ses seins arrogants toujours debout, même au plus périeux des moins avouables révérences, pour cette femme infiniment inhatuelle, je me sentait au bord de renier mes pentoufles.
    En sa présence, il n'était pas rare que je gaudriolasse sans finesse, dans l'espoir flou d'abriter sous mon nez rouge l'émoi profond d'être avec elle.
    Elle avait souvent la bonté d'en rire, exhibant soudain ses clinquantes canines dans un éclair blanc suraigu qui me mordait le coeur.
    J'en était fou vous dis-je.
    Je l'emmenai donc déjeuner dans l'antre bordelais d'un truculent saucier qui ne sert que six tables, au fond d'une impasse endormie du XVe où j'ai mes habitudes.
    J'avais commendé un Figeac 71, mon Saint-Émilion préféré. Introuvable. Sublime.
    Rouge et doré comme peu de couchers de Soleil. Profond comme un la mineur de contrebasse. Éclatant en orgasme au Soleil.
    Plus long en bouche qu'un final de Verdi. Un si grand vin que Dieu existe à sa seule vue.
    Elle a mis de l'eau dedans.
    Je ne l'ai plus jamais aimée.
  • La gomme (15 avril 1986 )
    Il était une fois un con fini qui eut l'idée singulière d'inventer, à l'intention des petits enfants, une gomme à effacer en forme de fraise, parfumée à la fraise.
    Ce fut un tel succès dans les écoles que le con fini récidiva dans la gomme à la banane, la gomme à la pomme, la gomme à la cerise.
    Il culminait dans le saugrenu avec sa gomme exotique au kimi cinghalais, quand on commença de s'inquiéter de la vague d'entéro-gastrites pernicieuses et d'asphyxies étouffantes qui se mirent à décimer les rangs des maternelles.
    [J'ai reçu] une lettre d'une chère auditrice qui n'a pas tenu à garder l'anonymat mais j'ai foutu sa lettre au panier, 'avait cru reconnaître l'écriture de la femme de Lucien Jeunesse(1), je me méfie de ce genre de salade, je ne mélange jamais le cul et le boulot.
    (1) Note : Lucien Jeunesse était un animateur de France Inter ont l'émission était quotidiennement diffusée juste après cette chronique.
  • Queue de poisson (22 avril 1986 )
    En tant que fonctionnaire, M. Philippe Paletot représentait ce qui se fait de plus haut.
    Il était quelque chose comme "haut commissaire préfectoral à la présidence générale de la Direction régionale des affaires nationales" à moins que ce ne fût "président aux Hautes Affaires nationales à la préfecture directoriale des régions".
    Quadragénaire hautain et portant beau, c'était un homme de devoir et de rigueur qui avait toujours su se montrer digne du prénom dont on l'avait honoré en hommage au maréchal Pétain.
    Humble et réservée, pieuse et cul pincé, Mme Phîlippe Paletot vivait sans éclat dans l'ombre de sa sommité dont elle dorlotait la carrière à coups de soupers rupins fort courus dans la région.

    Quand M. Philippe Paletot fut muté à Paris pour d'encore plus hautes irresponsabilités fonctionnariales, cette femme de bien concocta un dîner d'adieu dont les huiles locales n'oublieraient pas de sitôt la succulence.
    On y convia deux députés, un procureur, un notaire, le directeur régional de FR 3, une avocate en cour, le plus proche évêque, une harpiste russe blanche, un général de brigade amant de l'avocate, ainsi qu'un peintre exilé de Cuba qui fumait l'évêque par pure singularité hormonale.
    Le gratin, pour tout dire, avec les nouilles en dessous car on pouvait apporter son conjoint...
  • Les sept erreurs (25 avril 1986 )
    M. Raymond Lepetit est journaliste.
    C'est un obscur.
    Dans aucun journal, on ne saurait être plus obscur que M.
    Ramond Lepetit.
    M. Raymond Lepetit est encore plus obscur que Mlle Geneviève Portafaux qui est responsable de la rubrique au Réveil de Pas-de-Calais, et qui connut un quart d'heure de gloire dont elle se serait bien passée, en écrivant erratum avec un seul r.
    En effet, M. Raymond Lepetit est le rédacteur de la Solution du jeu des sept erreurs, de L'Écho de la Fouillouse qui est encore assez lu entre Le Chambon-Feugerolles et Andrézieux-Bouthéon.
    Pour arrondir ses fins de moins, il fait aussi le Solution du jeu des sept erreurs de Sexy-Fouillouse, une revue pornographique locale très sinistre et très grise.
  • Maso (6 mai 1986 )
    La première manifestation de la nature profondément masochiste de Christian Le Martrois remonte à l'instant même de sa naissance.
    Il eut bien une joie à l'âge de trois mois, quand son grand frère eut l'idée inespérée d'enduire de piment rouge la tétine de son biberon.
    Mais, par la suite, il comprit qu'il devait lui-même prendre en main son douloureux destin, sans plus compter sur le hasard.
    La puberté de Christian restera comme un chef-d'oeuvre dans l'art secret des supplices vonlontaires et des souffrances de l'âmes autoconsenties.
    À quinze ans, il avait mis au point une technique dite de l'onanismus interruptus génératrice de frustrations violentes telles qu'elles le poussaient à se taper la tête contre les murs de sa chambre qu'il avait tendus de papier de verre no 5 sur les conseils d'un vendeur du BHV ex-marcheur sur braises à l'académie des derviches émasculés vonlontaires de La Bourboule.
    À trente-trois ans, Christian épousa une virago bavaroise dresseuse de bergers allemands au chenil la Schlag d'Oradour-sur-Glane.
    Dans l'intimité, elle appelait son mari Kiki, lui faisait rapporter la baballe, et l'obligeait à manger de la merde et à lire Jour de France, en écoutant le groupe Indochine.
    C'était le bonheur.
  • Les trous fumants (12 mai 1986 )
    M. Haroun Tazieff est inoffensif.
    Il passe le plus clair de son temps à mettre son nez dans les trous qui fument.
    Parfois, un volcan facétieux, profitant de ce que M. Haroun Tazieff n'est pas là, se met à péter aux quatre vents.
    M. Haroun Tazieff apparaît à la télévision et dit : Ça ne m'étonne pas.
    Je l'avais prédit.
    Puis il retourne s'enfumer plus loin avec une caméra parce qu'il faut bien vivre, comme dirait M. Jacques-Yves Cousteau.
    ( M. Jacques-Yves Cousteau est un ami de M. Tazieff.
    Il met son nez dans les trous qui mouillent.
    ) Avec M. Paul-Émile Victor, qui met son nez dans les trous qui gèlent, ils forment en France un exceptionnel triumvirat, peu connu sous son nom d'apparat des pifs nickelés.
    hélas, il y a un peu plus de trois ans, pendant que M. Haroun Tazieff avait le nez baissé sur quelque braise, une tuile lui est tombé sur la gueule : on l'a nommé ministre des Trous qui fument et des Noyaux qui pètent.
  • Bâfrons (13 mai 1986 )
    Par parenthèse, je signale aux rétifs de la gastronomie autoroutière que les Ruralies sont une manière d'auberge prétendument rustique, sise au bord de l'autoroute Aquitaine, où l'on sert, contre beaucoup d'argent, un brouet que Jacob et Delafon ne confieraient qu'avec réticence à leur chasse d'eau.
    J'entrepris d'étaler largement l'inqualifiable pâté rosâtre sur la mie leucémique de l'ersatz farineux.
    Ainsi nanti, les pieds sur la table et la chaise en arrière, je me mis à glouglouter et bâfler buyamment.
    À mon grand étonnement, j'y pris quelque plaisir, et même pire, j'en jouis pleinement jusqu'à atteindre la torpeur béate des fins de soupers grandioses, et m'endormis en toute sérénité.
    Ce qui tendrait à prouver qu'on est pas faits pour le raffinement, en tout cas pas tous les jours, et que le cochon somnole en nous.
    Un qui ne me contredira pas c'est cet ami photopraphe de mode, dont l'hyperseduction anglo-saxonne draine en son lit les plus beaux mannequins du monde.
    Pendant ses week-ends, le bougre s'occupe à draguer le boudin charolais celluliteux entre le République et la porte Saint-Denis.
  • Sur la grève (16 mai 1986 )
  • Ça déménage (26 mai 1986 )
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  • La belle histoire du crapaud-boudin (28 mai 1986 )
    À trente ans, Ophélie Labourette supplantait dans la laideur et la disgrâce les culs de cynocéphales les plus tourmantés.
    Elle était intésément laide de visage et de corps, et le plus naturellement du monde, c'est-à-dire sans que jamais le moindre camion ne l'eût emboutie, ni qu'un seul virus à séquelles déformantes n'y creusât jamais ses ravages.
    Jaillissant de sa tête en poire cloutée de deux globules aux paupières à peine ouvrables, elle imposait un pif patatoïde qu'un duvet noir séparait d'une fente imprécise qui pouvait faire illusion et passer pour une bouche.
    Le corps était court et trapu, sottement cylindrique, sans hanches ni taille, ni seins, ni fesses.
    Une histoire ratée, sans aucun rebondissement.
    De ce tronc morne s'etiraient quatre maigrelettes ; les membres inférieurs, plus particulièrement, insultaient le regard.
    Rien ne permettait de discerner la jambe de la cuisse.
    L'un et l'autre affûtées dans le même moule à batons, s'articulaient au milieu par la protubérance insolite d'un galet rolurien trop saillant.
    Un trait, un point, un trait, c'étaient des jambes de morse.
    Moins affriolantes que bien des prothèses.
    Avec, pour seul point commun avec des jambes de femmes, une certaine aptitude à la marche.
  • Le duc (29 mai 1986 )
  • Aurore (6 juin 1986 )
    Plaidoyer pour un berger (10 juin 1986 )
    Aucune bête au monde, si ce n'est peut-être, le morpion pubien, n'est aussi profondément attachée à l'homme que le berger allemand.
    Aucune n'est plus dévouée, attentive et patiente avec les petits enfants qui peuvent sans danger lui tirer la queue, lui tordre la truffe, lui bourrer les oreilles de miettes de petit-beurres et lui enfoncer du white-spirit dans le trou du cul à l'aide d'un tuyau de caoutchouc, pour jouer aux 24 heures du Mans, catégorie clébards.
  • Non compris (12 juin 1986 )
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  • À mort le foot (16 juin 1986 )
    Voici bientôt quatre longues semaines que les gens normaux subissent à longueur d'antenne les dégradantes contorsions manchotes des hordes encaleçonnées sudoripares qui se disputent sur gazon l'honneur minuscule d'être champions de la balle au pied.
    Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur.
    Le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour s'abaisser à jouer au football.
    Je vous hais, footballers.
    Vous ne m'avez fait vibrer qu'une fois : le jour où j'ai appris que vous aviez attrape la chiasse mexicaine en suçant des frites aztèques.
    J'eusse aimé que les amibes vous coupassent les pattes jusqu'à la fin du tournoi.
    Mais Dieu n'a pas voulu. Ça ne m'a pas surpris de sa part. Il est des vôtres. Il est comme vous.
    Il est partout, tout le temps, quoi qu'on fasse et où qu'on se planque on ne peut y échapper.
    Quand j'étais petit garçon, je me suis cru longtemps anormal parce que je vous repoussais déjà.
    Je refusais systématiquement de jouer au foot à l'école ou dans la rue.
    On me disait : Ah, la fille ! ou bien Tiens, il est malade, tellement l'idée d'anormalité est solidement solidaire de la non-footballité.
    Je vous emmerde. Je n'ai jamais été malade.
    Quand à la féminité que vous subodoriez, elle est toujours en moi.
    Et me pousse aux temps chauds à rechercher la compagnie des femmes.
    Y compris celle des vôtres que je ne rechigne pas à culbuter quand vous vibrez aux stades.
    À part ça, je suis très content car les enfants m'écrivent.
    Une auditrice de neuf ans me dit : Non mais ça va pas la tête de dire des choses pareilles sur le bon Dieu.
    Crétin, va. Imbécile.
    Signé Anne, neuf ans.
    Tu as raison, ça va pas la tête.
    Je ne le referai plus, je te le promets.
    N'empêche que c'est pas moi, c'est Dieu qui a commencé.
    Demande à ta mère de t'expliquer le comportement de Dieu avec les petites filles de neuf ans en Éthiopie ou au Liban.
    Moi, j'ai pas tout compris.
    Je t'embrasse, petite Anne.
  • Rupture (18 juin 1986 )
    Je viens de rompre avec Dieu.
    Je ne l'aime plus.
    En amour, on est toujours deux.
    Un qui s'emmerde et un qui est malheureux.
    Depuis quelque temps, Dieu me semblait malheureux.
    Alors, j'ai rompu.
    Et puis je m'entendais mal avec sa famille.
    Je trouvait que le fils, surtout, avait mauvais genre.
    Je ne pense pas être bégueule mais ce côté m'as-tu vu sur ma jolie croix dans mes nouveaux pampers, j'ai toujours pensé que celà avait desservi le prestige de l'Église.
    Et contribué, pour une large part, à l'abandon de l'habit sacerdotal traditionnel au profit de la soutane rase-bonbon chez les prêtres intégristes bisexuels.
    J'ai posté hier soir ma lettre de rupture : Cher Dieu,
    Ne m'attends pas dimanche.
    Je ne viendrai pas.
    Je ne viendrai plus jamais le dimanche.
    Ni les autres jours, ni les autres nuits.
    Dieu, mon grand, mon très grand, mon très haut, je ne t'aime plus.
    J'ai tous le torts.
    Depuis le début de notre liaison, je t'ai trompé cent fois en cent lieux de bassesse peuplés de salopes en cuir et d'intorchables marins rouges qui me collaient à leur sueur en salissant ton nom.
    Pourtant, je t'ai aimé.
    Dès le premier jour.
    Mais aujoud'hui, mon Dieu, je ne t'aime plus.
    Je t'en pris, oublie-moi.
    Je suis un grain de sable, et d'autres hommes t'aimeront que tu sauras aimer aux quatre coins du monde, de Beyrouth à Moscou et de Gdansk à Santiago.
    Ah ! Dieu.
    Pardonne-moi mes offences, mais laisse-moi succomber à la tentation, donne-moi aujourd'hui mon péché quotidien, et délivre-moi du bien.
    Ainsi soit-il.
    Veuillez croire, moi pas.
    Pierre
  • Les hommes en blanc (20 juin 1986 )
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  • Les aventures du mois de juin (23 juin 1986 )
  • Les aventures du mois de juin (suite) (24 juin 1986 )
    Résumé du chapitre précédent : Anne et Alexandre profitent du mois du juin pour ne pas partir en août.
    Ils glandent dans leur maison, au bord d'une plage atlantique, avec leur deux enfants probablement des petites filles, j'ai pas bien suivi le début.
    Soudain, alors qu'Alexendre, sur la terrasse face au couchant, fait rien qu'a se poser des questions fondamentales de type romantique de bains, Anne s'écrit :
    - Tu n'as pas vu les filles ?
    C'est bien ce que je disais. C'est des filles.
    Non, il n'a pas vu les filles.
    Du jour où ses enfants sont nées, il n'a cessé, au creux de ses nuits blanches et de ses jours noirs, de les entrevoir courant nues sous les bombes, éclatées sous des camions distraits.
    Avec une minutie de flic obtus, il fouille et contre-fouille le garage, la voiture, le haie de fusains, la maison pièce à pièce, où il hurle leurs deux noms.
    Au bont de vingt minutes, on sort la voiture, le vélo, les voisins, la police, et les chiens.
    - Je suis formel, on n'a rien vu sur l'eau, affirme le pinpant CRS balnéaire.
    - Sur l'eau, je m'en fous. Mais SOUS l'eau ? risque-t-il, exhibant sans vergogne son humour clés en main avec vue imprenable sur le cimetière...