Oui, je sais, comme disait Gabin, oui, je sais que l’extrême droite ce n’est pas le fascisme.
Mais on a quand même le droit d’être fasciste, même si on est pas d’extrême droite, merde !
Ne m’énervez pas.... C’est vrai, quoi, dès que vous dites : « je suis fasciste », les gens vous regardent d’un mauvais œil...
Alors qu’il suffit de ne pas le dire et personne ne s’en aperçoit.
Savez-vous ce que nous voulons ? Eh bien, je vais vous le dire : une société parfaite !
Une société où les chiens font où on leur dit de faire, où il n’y a pas de grèves, où les partis politiques viennent pas nous beurrer la raie à la télé, où les travailleurs immigrés sont là pour travailler et non pas pour se goinfrer de couscous et de morue, où les riches doivent être contents d’être riches et les pauvres contents d’être pauvres, où tout le monde doit être uni contre tous les autres ! Où l’oncle doit être marié avec la tante.
Une société parfaite, c’est une société où l’on ne rit pas bêtement. Voilà.
J’ai été élevé dans une ambiance fasciste et si je respecte mes parents, c’est grâce à eux.
Mais je suis sûr que vous vous demandez comment un nazi peut vivre heureux au milieu de cette pagaille.
Eh bien, c’est très simple, je peux vous dire ce que j’ai fait hier :
Mon réveil automatique me chante « Heil li, heil lo, heil la ».
Encore endormi, je salue le portrait du Fürer qui est juste au-dessus de mon lit en fer avant de me laver les dents avec une brosse...
.... en fer également.
Je me rends aujourd’hui à la brasserie munichoise, rue de Verdun. Il fait plus de 5 degrés, j’ai très chaud. Je bois deux bières.
Je suis sûr que c’est le Noir du sixième sur la porte duquel j’ai gravé une croix gammée à la hache. Je l’emmerde.
Puis je mets mon manteau de cuir noir avant de me rendre chez le tatoueur.
La séance commence mais au bout de cinq minutes, les douleurs sont intenables.
Je serre les dents sur le goulot de ma canette, l’amour du Fürer demande beaucoup d’abnégation.
Tout d’un coup, horreur ! Je m’aperçois que la chaîne que le tatoueur porte à son poignet est gravée de son nom : Lévy.
Lévy ! J’ai du mal à contenir un cri de rage. L’aiguille me fait de plus en plus mal.
Je suis torturé par un Juif ! J’ai mal, c’est long...Pourvu qu’il ne s’aperçoive pas de mon admiration pour les allemands.
Je prends le métro. Dans un couloir un affiche d’Amnesty International provoque en moi une haine sanguinaire.
Je sors mon gros feutre noir de ma poche pour exprimer ma rage, mais j’ai du mal à écrire avec ma main gauche.
Alors, après avoir fait des pâtés sur l’affiche, j’arrête un passant et je lui demande gentiment de marquer dessus avec mon feutre :
- « Mort aux juifs et aux bougnoules »
Le type me demande en rigolant : "Bougnoules, ça prend deux « l » ?", et paf : il me balance un coup de tatane dans les tibias.
C’est la main d’un policier qui me demande ce qui se passe.
Je lui dit : « J’ai empêché un salaud d’écrire des injures sur l’affiche. »
Il me répond : « Vous n’êtes pas seul dans ce cas là, hélas ! »
Je tombe sur la belle Elsa, ses cuissardes et son berger allemand.
Elle me dit ; « Ça fait longtemps que je t’ai pas vu. Tu montes ? ».
Je lui répond : « Oui, j’ai besoin d’amour ».
- « Achève-moi, salope, ça va me détendre ».
Elle retire son manteau de renard, elle n’a plus que ses cuissardes et son porte-jarretelles puis elle commence à m’écraser la gueule à coup de matraque.
Je lui dit : « C’est bon, c’est bon ! Ça me fait du bien quand tu me fais du mal ! ».
Elle me dit : « Hein, t’aimes ça, salaud !?"
Je lui répond : « Oui, oui, puis dis à ton chien de mordre aussi ! ».
J’ai oublié la clé, merde ! Et ce con de Portos qui a fermé à l’heure !
Fou de rage, je balance des coups de tatane dans la lourde, mais il fait semblant de ne pas m’entendre, l’enflure !
Je hurle : « Laissez la porte ouverte ! ».
Il me dit : « Je ne réponds pas aux gens qui me parlent d’une poubelle », et paf ! Il me claque la porte au nez.
Quel salaud ! Les gens de cette espèce-là, il faudrait s’en débarasser une bonne fois pour toutes.
Il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde... !
(c) Luis Régo.
Extrait de l'émission de radio "Le Tribunal des flagrants délires" du 28 septembre 1982 sur France Inter, avec comme invité Jean-Marie Le Pen