L'éléphant enchaîné
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1ère version :


« Un dompteur de cirque parvient à dresser un éléphant en recourant à une technique très simple : alors que l’animal est encore jeune, il lui attache une patte à un tronc d’arbre très solide.
Malgré tous ses efforts, l’éléphanteau n’arrive pas à se libérer.
Peu à peu, il s’habitue à l’idée que le tronc est plus fort que lui.
Une fois qu’il est devenu un adulte doté d’une force colossale, il suffit de lui passer une corde au pied et de l’attacher à un jeune arbre.
Il ne cherchera même pas à se libérer.
Comme ceux des éléphants, nos pieds sont entravés par des liens fragiles.
Mais, comme nous avons été accoutumés dès l’enfance à la puissance du tronc d’arbre, nous n’osons pas lutter.
Sans savoir qu’il nous suffirait d’un geste de courage pour découvrir toute notre liberté. »

  -- Extrait de Maktub, un ouvrage de Paulo Coelho.


2ème version :
Quand j’étais petit, j’adorais le cirque, et ce que j’aimais par dessus-tout, au cirque, c’étaient les animaux.

L’éléphant en particulier me fascinait ; comme je l’appris par la suite, c’était l’animal préféré de tous les enfants.

Pendant son numéro, l’énorme bête exhibait un poids, une taille et une force extraordinaires…
Mais tout de suite après et jusqu’à la représentation suivante, l’éléphant restait toujours attaché à un petit pieu fiché en terre, par une chaîne qui retenait l’une de ses pattes prisonnière.

Or ce pieu n’était qu’un minuscule morceau de bois à peine enfoncé de quelques centimètres dans le sol.
Et bien que la chaîne fut épaisse et résistante, il me semblait évident qu’un animal capable de déraciner un arbre devait facilement pouvoir se libérer et s’en aller.
Le mystère reste entier à mes yeux : "Alors, qu’est-ce qui le retient ? Pourquoi ne s’échappe-t-il pas ?"

A cinq ou six ans, j’avais encore une confiance absolue dans la science des adultes.
J’interrogeais donc un maître, un père ou un oncle sur le mystère du pachyderme.
L’un d’eux m’expliqua que l’éléphant ne s’échappait pas parce qu’il était dressé.
Je posais alors la question qui tombe sous le sens : « S’il est dressé, pourquoi l’enchaîne-t-on ? »
Je ne me rappelle pas qu’on m’ait fait une réponse cohérente.

Le temps passant, j’oubliais le mystère de l’éléphant et de son pieu, ne m’en souvenant que lorsque je rencontrais d’autres personnes qui un jour, elles aussi, s’étaient posé la même question.

Il y a quelques années, j’eus la chance de tomber sur quelqu’un d’assez savant pour connaître la réponse :
"L’éléphant du cirque ne s’échappe pas parce que, dès son plus jeune âge, il a été attaché à un pieu semblable."

Je fermais les yeux et j’imaginai l’éléphant nouveau-né sans défense, attaché à ce piquet.
Je suis sûr qu’à ce moment l’éléphanteau a poussé, tiré et transpiré pour essayer de se libérer, mais que, le piquet étant trop solide pour lui, il n’y est pas arrivé malgré tous ses efforts.

Je l’imaginais qui s’endormait épuisé et, le lendemain, essayait à nouveau, et le surlendemain… et tous les jours suivants…
jusqu’à ce qu’un jour, un jour terrible pour son histoire, l’animal finisse par accepter son impuissance et se résigner à son sort.

Cet énorme et puissant pachyderme que nous voyons au cirque ne s’échappe pas, le pauvre, parce qu’il croit en être incapable.
Il garde le souvenir gravé de l’impuissance qui fut la sienne peu après sa naissance.
Et le pire, c’est que jamais il n’a sérieusement remis en question ce souvenir.
Jamais, jamais il n’a tenté d’éprouver à nouveau sa force…

Nous allons de par le monde attachés à des centaines de pieux qui nous retirent une partie de notre liberté.
Nous vivons avec l’idée que « nous ne pouvons pas » faire des tas de choses, pour la simple raison qu’une fois, il y a bien longtemps, quand nous étions petits, nous avons essayé et n’avons pas réussi.
Alors nous avons fait la même chose que l’éléphant, et nous avons gravé ce message dans notre mémoire :
"Je ne peux pas, je n’en suis pas capable et jamais je n’en serai capable."

Nous avons grandi en portant ce message que nous nous sommes imposé à nous-même, et c’est pourquoi nous n’avons plus jamais essayé de nous libérer de ce pieu. (…).
Nous vivons conditionnés par le souvenir de celui qui n’existe plus, qui ne fut pas capable.

La seule façon pour toi de savoir si tu peux y arriver, c’est d’essayer à nouveau en y mettant tout ton cœur…
TOUT ton cœur ! »

  -- Histoire tirée d’un livre de Jorge BUCAY : "Laisse-moi te raconter… les chemins de la vie" (éditions "Oh!")